Geek Chic : les sneakers, fer-de-lance de la pop culture
Dossier
PUBLIÉ LE 10 août 2021

Geek Chic : les sneakers,
fer-de-lance
de la pop culture

Crédit : Vans
Maxime L-G.
Maxime L-G.
Auteur Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 10 août 2021

Les sneakers font aujourd’hui partie intégrante de la fashion. Mais pendant très longtemps, le milieu était loin d’accueillir la pop culture à bras ouverts.

“Viens, chante, danse et mets tes baskets.” C’est sur cette invitation joviale que Les Forbans ont conquis les ondes radio françaises en 1982. Mais derrière la légèreté de ces paroles se cache un mouvement populaire qui a conquis le monde de la mode sans crier gare. Et cela, on le doit à la pop culture, qui a su prendre la vague pour s’insérer au cœur de la société et rendre hommage à de nombreux créateurs jusque là restés dans l’ombre. Les sneakers sont liés à des mouvements contestataires autant que culturels, qui ont conduit aujourd’hui à la prédominance de la culture geek dans les médias.

Mauvais genre

Jusqu’aux environs des années 1920, la mode s’attachait surtout à créer des bottes et des mocassins. Pour une raison simple : jusque-là, les semelles en caoutchouc n’avaient pas été inventées. Cependant, dès 1916, la Rubber Company américaine a développé et mis en vente les Keds, parmi les premières “sneakers”. C’en est suivi Converse en 1917, date à laquelle la marque légendaire a sorti sur le marché ses fameuses All Stars. Mais ne vous y trompez pas : la société, et par extension le cercle fashion, n’a pas accepté tout de suite ces nouvelles chaussures. Loin de là. Pour les bonnes gens, porter des sneakers en société est une marque d’irrespect.

Crédit : Converse

Les sneakers à cette époque sont uniquement réservés à la pratique du sport. Les publicités de l’époque mettaient surtout en scène des femmes jouant au tennis, ou des hommes jouant au basketball. C’est d’ailleurs ce dernier sport qui a la connexion la plus forte avec les sneakers : depuis l’alliance entre Chuck Taylor et Converse dans les années 20, on a pu voir la basket représentée lors des Jeux Olympiques de 1936. Plus accessibles que les chaussures anciennes, les sneakers sont vite devenues populaires auprès des jeunes. Dans les années 50, la basket s’allie au jean pour devenir la panoplie portée par les mouvements contestataires lycéens, qui ont rejeté en masse l’uniforme d’antan et par là même les normes sociales pour revendiquer l’individualisme. Une forme de libération de la mode.

Quoi de neuf docteur

C’est dans les années 70 que Nike se forme. Toujours lié à la pratique sportive, la marque a choisi de cibler les jeunes qui souhaitaient émuler leurs athlètes favoris en portant les mêmes chaussures qu’elles. Une tactique empruntée d’Adidas, qui s’était offert Kareem Abdul-Jabbar en représentant. Nike s’est alors décidé à faire de même avec un petit nom connu d’un petit groupuscule de fans de sports : Michael Jordan. C’est en 1984 que sortent les Air Jordans, aujourd’hui les baskets les plus emblématiques du mouvement sneakers. Il faut dire qu’en termes de popularité, Michael Jordan a tout explosé et est devenu une figure si ancrée dans la pop culture qu’il a même eu le droit à son propre film avec les Looney Tunes : Space Jam. Mais ce n’est pas le premier lien que l’on peut apercevoir entre pop culture et sneakers : Farrah Fawcett portait déjà fièrement des Nike lorsqu’elle tournait ses épisodes de Charlie’s Angels.

Crédit : Nike

Le sport n’a pas été le seul vecteur d’évolution des sneakers. La musique a également fait partie du mouvement. En 1976, l’énergie des Ramones donne son élan à la scène punk américaine tout en portant fièrement des Converse. Mais c’est surtout dans le hip-hop, connu pour ses liens avec la mode, que le mouvement explose. En 1985, après la sortie de son hit “My Adidas”, Run-DMC s’allie avec la marque pour ses propres Adidas Superstar. Ne vous y trompez pas : il ne s’agit pas que de mode. Comme le narre la chanson du groupe, Adidas était devenu la marque de reconnaissance des jeunes du quartier. Cette alliance était alors moins mercantile que la consécration de la culture populaire comme culture dominante. Et alors que le Wu-Tang Clan allait dans la référence aux films de kung-fu, que les Spurs jouaient leur 2v2 sur StarCraft entre leurs matchs et qu’Akira Toriyama dessinait les personnages de Dragon Ball portant des Air Jordans, la pop culture est naturellement montée au créneau.

A ma botte

Au début des années 2000, les sneakers ont définitivement réussi leur intégration dans la mode populaire, et même dans la high fashion. Cette acceptation large dans la culture populaire a libéré les possibilités des créateurs comme des marques pour mettre en avant leurs propres références. C’est ainsi qu’en 2006, PlayStation s’associe pour la première fois avec Nike avec de créer un modèle exclusif d’Air Force 1 qui reprend l’identité visuelle de la PS1. Seulement 150 paires de chaussures ont été créées, et ont majoritairement été offertes aux joueurs de basketball, faisant du modèle une rareté. Mais il souligne un mouvement important : ces joueurs sont devenus des icônes de la mode, et ce qu’ils portent guide le grand public.

Crédit : Vans

De nombreuses collaborations notables sont faites par la suite. On pense notamment aux Adidas Gil II Zero faisant référence à Halo, ou les Pony sous l’iconique marque EA Sports. Nike ne s’est pas arrêté à PlayStation par ailleurs, et a été cherché du côté des références rétro avec sa collaboration avec Pacman en 2009. Mais c’est surtout en 2011 qu’une collection a réussi à toucher le plus large public : l’alliance entre Converse et Nintendo. Un rouleau compresseur, ces deux marques étant parmi les plus reconnues et étendues de leurs univers respectifs. Le succès massif de cette collection a donné lieu à l’explosion de la représentation de la pop culture dans la mode en général, et de nouvelles collections comme celle de Vans en 2016.

Aujourd’hui, les sapes flanquées de référence aux jeux vidéo ou aux mangas sont légions. Mais loin des t-shirts pressés classiques, il y a un réel effort de style sur de nombreuses collections. Les deux mondes s’offrent l’un à l’autre régulièrement : quand Jujutsu Kaisen aura bientôt le droit à ses sneakers Syunsoku, My Hero Academia continue de référencer page après page l’intégralité de la collection Nike. Il faut dire qu’en conquérant ensemble la culture populaire, ils sont devenus des frères que rien ne peut séparer.