Comment devenir le nouveau jeu à la mode sur Twitch
Dossier
PUBLIÉ LE 15 févr. 2021

Comment devenir le
nouveau jeu à la
mode sur Twitch

Crédit : Innersloth
Etienne C.
Etienne C.
Auteur Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 15 févr. 2021

Ils s'appellent Among Us, Escape from Tarkov ou Rust. Leur point commun : être parvenu à concurrencer, pendant plusieurs semaines, les licences bien installées du « Twitch game » sans le soutien matériel et financier d'un gros éditeur. Mais comment est-ce possible ? Étude de cas.

Qu'elle semble lointaine l'époque où la plate-forme de streaming d'Amazon était cataloguée par le Grand Journal de Canal+ comme « la nouvelle addiction du web » pour des gens qui n'ont « rien d'autre à foutre de leur vie ». Car s'il y a une boîte qui s'est frottée les mains en 2020, c'est Twitch. Avec la pandémie, l'audience a - selon un rapport publié par Streamlabs et StreamHatchet - augmenté de 67,36% pour atteindre un total de 18,41 milliards d'heures visionnées contre 11 milliards en 2019. Si les contenus se sont diversifiés, Twitch constitue de plus en plus un crash test pour développeurs et éditeurs, conscients que la visibilité de leur produit auprès des utilisateurs impactera leur chiffre d'affaires. Comment concurrencer les 360 no scope de Gotaga ou la revue de presse de Samuel Etienne ? Une question qui doit filer la migraine à pas mal de services marketing.

Et pourtant, c'est possible. Car même si la plateforme est historiquement dominée par des grosses cylindrées comme League of Legends ou Fortnite, elle constitue un tremplin pour de nombreux jeux plus confidentiels. Le dernier en date ? Rust, lancé en accès anticipé en 2013 et qui a généré plus d'un million de dollars de revenus en l'espace d'une journée sur Steam après avoir pété les scores sur Twitch. Comme ça, d'un coup, huit ans après. Poggers.

Mais alors, comment atteindre le haut des charts quand on a ni le budget de Riot Games ni l'aura d'Epic Games ? Pourquoi influenceurs et viewers, qui représentent le nouveau « baromètre du cool » dans l'industrie, s'orientent vers un titre plutôt qu'un autre ? Portrait-robot du jeu idéal, en s'appuyant sur les dernières success stories.

Casual comme Fall Guys: Ultimate Knockout

Crédit : Devolver Digital

Prenez un concept déjà retourné dans tous les sens, saupoudrez-le d'une DA loufoque (ou mignonne, c'est selon) et d'une physique aléatoire et vous obtenez Fall Guys : Ultimate Knockout. Le jeu « streamable » par excellence s'est rapidement fait une place dans le temple du « try hard » qu'est Twitch. Comment ? Par une stratégie intelligente du studio, déjà, qui a invité de nombreux streamers à tester la beta et faire don de clés aux viewers, avant de filer le jeu gratuitement aux abonnés du PS Plus.

Mais le véritable point fort de l’opus reste son accessibilité. Trente secondes suffisent à comprendre le principe, et n’importe quel débutant peut gagner une partie en tabassant ses boutons . La raison ? Une part trop importante accordée à l'aléatoire, selon la game designer Jennifer Scheurle, vous empêchant de dominer les débats même avec de la pratique : « Manquer un saut est rarement de votre faute, car il y a trop de facteurs aléatoires (...) Pour atterrir en tête du peloton, un saut précis est une stratégie tout aussi valable qu'un saut en mode YOLO ». Sur une plate-forme où l'on suit principalement les streamers pour leurs compétences et APM, Fall Guys : Ultimate Knockout est l'un des rares jeux à placer spectateur et diffuseur sur un pied d'égalité. Et ça, c'est fort.

Haletant comme Rust

Crédit : Facepunch Studios

Le succès fulgurant (et à retardement) de Rust sur Twitch est lié à l'ouverture d'un serveur privé, début janvier, par un groupe de créateurs de contenus composé de plusieurs stars de la plateforme - dont Pokimane ou Shroud. Mais pourquoi ont-ils jeté leur dévolu sur le jeu signé Facepunch Studios ?

Pour le comprendre, rappelons le principe de Rust pour les deux du fond qui n'ont pas suivi. Il s’agit d’un monde persistant (c'est à dire qui ne s'arrête jamais de tourner, même en votre absence) et généré aléatoirement où l’objectif est de survivre. Aux aléas de la nature ainsi qu’aux autres. Le quotidien se résume à collecter des ressources, construire des trucs et éviter de crever lamentablement. Dans le jeu, le monde se divise en deux catégories qui n'envisagent pas la survie de la même façon : ceux qui vivent chaque jour comme le dernier, sans pression, et ceux qui pillent du butin à 4h du matin ou le soir de Noël. Naturellement, la première catégorie est une cible de choix pour la seconde.

Vous l'aurez compris : Rust est un jeu taillé pour Twitch car les mêmes principes s'appliquent dans un serveur privé devant des milliers de viewers. Le jeu réveille les instincts les plus primitifs de certains streamers. Résultat: on se retrouve devant une véritable émission de télé-réalité, comme le souligne GameRant, avec des rôles prédéfinis, des rebondissements et des dramas. Faire cohabiter des gens sur une île déserte, c'est con qu'aucun producteur de télévision n'y ait jamais pensé. Quelqu'un a le numéro d'Endemol ?

Généreux comme Escape from Tarkov

Crédit : Battlestate Games

Si Nikita Buyanov, directeur général de Battlestate Games, clame qu'Escape from Tarkov n'a pas été « créé spécifiquement pour être streamé » mais qu'il était « né pour le streaming », difficile d’imaginer un monde où il aurait volé la vedette à d’autres shooters sans l’aide de Twitch, malgré la qualité du jeu. Et surtout sans le programme Twitch Drops, permettant aux viewers de récupérer du contenu exclusif gratuitement (armes, équipement et tutti quanti) en matant des chaînes diffusant le jeu. “Quand c’est gratuit, vous êtes le produit”, paraît-il. C’est peut-être vrai, en fait.

Le programme n'a rien de nouveau. Il a été exploité par de nombreux éditeurs dont Riot Games au moment de la sortie de Valorant (incitant les streamers à laisser tourner leur stream 24h/24 et 7j/7 jusqu'à ce que Twitch sonne la fin de la récré, ndlr). Mais il semble particulièrement profitable pour le studio russe qui génère régulièrement de l'intérêt et de l'engagement autour de son FPS, bien qu'il soit en beta depuis 2017. Tant auprès des streamers (qui font plus d'audience en appuyant sur un bouton) que des viewers (qui chopent des trucs gratos). Plaisir d'offrir, joie de recevoir.