Le cinéma a besoin du jeu vidéo désormais
Dossier
PUBLIÉ LE 5 août 2021

Les cinémas ont besoin
du jeu vidéo désormais

Crédit : 20th Century Studios
Maxime L-G.
Maxime L-G.
Auteur Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 5 août 2021

Le jeu vidéo et le cinéma ont toujours été deux cousins proches. Mais qui a le plus besoin de l’autre, vraiment ?

La pop culture a toujours intégré de multiples médias en son sein pour former une entité massive où de nombreuses communautés se rejoignent. Parmi eux, deux sortent tout de même du lot : le cinéma, probablement l’un des premiers médias historiquement populaire du lot, et le jeu vidéo, finalement le petit dernier arrivé dans la file. Et si les deux s’aiment et se respectent mutuellement, on ne peut s’empêcher en regardant l’évolution du jeu vidéo de constater que la balance de pouvoir s’est renversée. Après avoir emprunté au cinéma de nombreuses références, c’est au tour du cinéma lui-même de lorgner du côté du langage et des grands noms du jeu vidéo. Petit frère est devenu grand, et s’est avéré être le fils prodigue de la famille.

Tu me prêtes tes jouets ?

À l’origine pourtant, personne n’aurait pu venir voir ce mouvement. Les débuts des jeux vidéo étaient après tout une fête aux adaptations des grandes licences du grand écran. Même aujourd’hui, les titres qui ont marqué les joueurs de l’ère 8 bits sont souvent liés à une licence. Le Schtroumpf de l’Atari 2600, l’Indiana Jones de l’Amiga, l’Aladdin de la Megadrive (et non de la Super Nintendo, respectons-nous)... Pour beaucoup de personnes, ce sont les adaptations qui les ont amenées à toucher leurs premières consoles et leurs premiers PC. L’idée de pouvoir continuer à vivre dans ce monde imaginaire vu dans les salles sombres, de dialoguer une nouvelle fois avec leur personnage préféré. Et c’est ainsi que les véritables stars du jeu vidéo comme Mario ou Megaman ont réussi à conquérir de plus en plus de joueurs. Lorsque le jeu adapté d’un film est terminé, on se tourne vers une nouvelle cartouche chatoyante…

Crédit : Virgin

Avec l’avènement de la 3D, notamment la PlayStation de Sony qui a permis une première grande percée vers le grand public, les consoles ont commencé à trouver un status quo étrange avec leur frère à pellicules. D’un côté, les jeux vidéo adaptés de licences se vendaient toujours comme des petits pains, et de nombreux titres ont marqué leurs propres générations. Mais on sentait que du côté des investisseurs, l’idée que la qualité du jeu importait moins que la licence commençait à faire son bout de chemin. Il suffit de se tourner vers le légendaire Superman 64 pour s’en rendre compte. De l’autre, certains créateurs rêvaient de créer des histoires plus travaillées, plus fournies, comme le Metal Gear Solid de Kojima.

C’est véritablement lors de la génération PS3/Xbox 360 que l’influence du cinéma sur le jeu vidéo s’est presque intégralement tarie. Gâtés par des années de maltraitance, les jeux adaptés de film n’ont plus jamais réussi à se vendre comme à l’époque. Et même si certains n’étaient pas si mauvais, à l’image du jeu X-Men Origins Wolverine largement meilleur que le film dont il est tiré, le jeu vidéo avait pris son indépendance. Pourquoi chercher une adaptation quand on peut tout aussi bien lancer le dernier Uncharted et avoir une expérience complète, qui mélange le spectacle des blockbusters avec un gameplay accessible et fun ?

Crédit : Activision

Tiens, je ne m’en sers plus

En parallèle, voici ce qu’il s’est passé dans le cinéma. Certains joueurs de l’époque 8 bit ont grandi et ont immédiatement tenté de pénétrer dans le fameux grand domaine fermé d’Hollywood. Et pour certains, leur rêve était de pouvoir adapter les jeux vidéo de leur enfance sur le grand écran, ce qui n’a jamais été mince affaire. Un nom ressort particulièrement au cours des années 90 : Paul. W.S. Anderson. Oui, c’est à ce monsieur que l’on doit les multiples adaptations de Resident Evil avec Milla Jovovich au cinéma. Monster Hunter, plus récemment, aussi. Mais oublions un instant tout cela pour se concentrer sur l’un de ses premiers films : Mortal Kombat. Car oui, si kitch qu’il soit, il est l’un des premiers exemples d’une adaptation réussie, où les clins d'œil au matériau original sont légions mais ne l’empêchent pas de créer quelque chose de cohérent pour un spectateur lambda. Bien qu’un peu… étrange.

Le problème, c’est qu’il est le seul. Pendant longtemps, les réalisateurs n’ont tout simplement pas compris ce qui faisait l’attrait des jeux vidéo. Et les producteurs ont ainsi fait la même erreur : se reposer uniquement sur le nom. C’est ainsi que des étrons atomiques comme le film Super Mario Bros ou Wing Commander ont réussi à trouver leur chemin vers la pellicule. Et on ne comprend toujours pas comment tout a pu être autant laissé en roue libre. Au milieu, il y a quelques efforts honnêtes comme les films Street Fighter ou Double Dragon, mais on sentait que l’ambition était surtout de rester dans un budget serré.

Crédit : Cinergi Pictures

C’est justement là aussi lors de la génération PS3/Xbox 360 que les producteurs ont commencé à comprendre qu’il fallait s’intéresser un petit peu plus au médium. De là sont nés des projets comme Silent Hill ou encore Hitman. Des films passables, de ceux qui prennent quelque peu la température, ont mis du budget pour que la majorité des cases soient cochées, mais qui tombent encore à plat. Pourquoi ? Parce qu’ils ne parlent tout simplement pas aux joueurs. Ils essaient juste d’attirer le chaland. Quand le jeu vidéo a gentiment dit adieu au cinéma, le cinéma ne comprenait toujours pas ce qu’était le jeu vidéo.

Que se passe-t-il aujourd’hui ? La nouvelle génération de réalisateurs a tout simplement été bercée par le jeu vidéo. Et plutôt que d’essayer de parler à la table des jeunes comme le tonton gênant venu glissé un “ça gaze ?” au milieu d’un silence, ils ont su simplement maîtriser la culture qui émane du jeu vidéo. Car c’était le secret depuis le début ; enchaîner des références vides de sens comme Pixel n’a aucun impact. Mais utiliser le langage visuel du FPS pour une séquence mémorable de Kick Ass ou intégrer l’UX du jeu vidéo dans son histoire comme Scott Pilgrim fait toute la différence.

Crédit : Universal Studios

Si le jeu vidéo s’est affranchi du cinéma, le cinéma continue son apprentissage forcé de cette nouvelle culture. Pour une raison simple : de nos jours, presque toutes les personnes qui assoient leurs fesses dans une salle jouent aux jeux vidéo. Mais tous les joueurs ne vont pas nécessairement au cinéma. Mieux vaut donc tenter de leur parler directement, comme Ready Player One de Spielberg ou le tout nouveau Free Guy tentent de le faire. “How do you do, fellow gamers?”