Monolith Soft : l'histoire du développeur se voulant visionnaire
Dossier
PUBLIÉ LE 26 mai 2020

Monolith Soft : l'histoire
du développeur
se voulant visionnaire

Crédit : Nintendo
Maxime L-G.
Maxime L-G.
Auteur Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 26 mai 2020

Xenogears, Xenosaga, Xenoblade… Avec de tels noms, il est impossible d’ignorer qu’un grand orchestre se charge de l’ensemble. C’est évidemment Monolith Soft, un développeur mené par une personnalité visionnaire du jeu vidéo : Tetsuya Takahashi.

En occident, pendant l’ère PS3 / Xbox 360, on a bien souvent entendu parler de développeurs qui se sont affranchis des grandes entreprises pour monter leur propre studio et retrouver leur indépendance. Du côté du Japon, cet exemple est un peu plus rare : les scènes indépendantes pullulent depuis de nombreuses années, mais particulièrement sur le PC, et les titres se transmettent sur CD-Rom pendant le Comiket. L’organisation générale était que ces talents pouvaient ensuite passer pro en intégrant une grande entreprise, et y rester… plus ou moins à vie. Ce qui ne veut pas dire que l’ambition de redevenir indépendant n’existe pas chez certains créateurs.

Le talent indéniable

Un bon exemple de cela est tout simplement Tetsuya Takahashi. Le créateur japonais a intégré Squaresoft au début des années 90, avec pour première tâche de créer… une texture de mur pour Final Fantasy IV. Mais ses talents ont vite été repérés par Hironobu Sakaguchi, qui l’a bien vite pris sous ses ailes. C’est ensemble qu’ils ont créé l’iconique introduction de Final Fantasy VI, les notes de Takahashi conduisant Sakaguchi à montrer les robots de dos et profiter du mode 7 de la Super Nintendo. Autant dire que sans lui, la qualité du jeu en aurait pâti. A la demande de Takahashi, Sakaguchi a ensuite placé le jeune créateur à la direction d’un nouveau projet. Une jeune équipe avec un jeune directeur a tout à coup pu trouver sa liberté, et son premier projet ne fut autre que… Xenogears. Un jeu dont le scénario a été développé en partenariat avec sa femme Soraya Saga, instrumentale dans tous les projets du développeur.

Visionnaire, l’homme a fait en sorte que le jeu utilise uniquement des polygones pour ses environnements, pensant que Squaresoft se devait de maîtriser la technologie pour assurer son avenir. Il n’avait pas tort, loin de là, mais son premier titre n’a pas forcément été un succès. Xenogears a été vu comme un RPG intéressant, avec un scénario très profond et des idées à la pelle, mais beaucoup trop ambitieux aussi bien pour son budget que pour la jeune équipe. Aussi, des sacrifices ont dû être fait sur le scénario (la seconde partie du jeu est racontée par des montages) notamment. Toujours est-il qu’une base de fan a su reconnaître l’intérêt du titre malgré tout, et Xenogears est resté comme une preuve des talents de Takahashi.

Crédit : Nintendo

L’envol vers l’indépendance

Après ce développement, Takahashi ne se sentait plus à sa place au sein de Square. Pour lui, l’entreprise donnait trop de priorité à sa licence phare Final Fantasy, au détriment de nouveaux projets originaux. Avec l’aide de Hirohide Sugiura, compère de Square partageant son point de vue, il fonda donc son propre studio de développement : Monolith Soft. Mais il ne s’agissait pas d’un développeur indépendant, comme on l’entend de nos jours : le studio a été créé avec l’appui et le soutien de Namco, qui se chargerait de l’édition et permettrait ainsi au développeur d’être libre de développer comme bon lui semble.

Leur premier projet ne fut autre que Xenosaga. Imaginé par Takahashi et Soraya Saga comme une hexalogie, le RPG référençant à chaque épisode le philosophe allemand Friedrich Nietzsche (La Volonté de Puissance, Par-delà le bien et le mail, Ainsi parlait Zarathoustra) montrait d’emblée une envie d’être plus fort qu’un RPG traditionnel. La poésie, la philosophie seraient au centre de son intrigue mêlant corporations géantes, colonies, voyages spatiaux et énormes mécha. Le jeu est sombre, viscéral, et développe énormément d’imageries religieuses, ce qui n’en fait pas forcément un titre accessible à tous… mais l’a vite rendu célèbre dans les cercles d’amateurs de JRPG.

Mais encore une fois, son principal problème a été d’être quelque peu compliqué à prendre en main et un peu trop… riche. C’est à ce moment-là que Tetsuya Takahashi et Hirohide Segiura ont décidé d’appliquer plus fortement une philosophie importante : celle de mettre l’accent sur les jeunes talents, pour développer de nouvelles idées. Pour Takahashi, ce fut aussi l’occasion de prendre ses distances avec Xenosaga, afin de pouvoir intervenir sur tous les projets du groupe simultanément. Il faut dire qu’en marge de Xeno, Monolith Soft développait également Baten Kaitos, Dirge of Cerberus, et quelques autres projets sur console portable et mobile. C’est d’ailleurs après le développement de Baten Kaitos Origins que le studio a pris un nouveau départ.

Crédit : Nintendo

Nintendo entre sur scène

La création de Monolith Soft a été en partie rendue possible grâce à la bénévolence de Masaya Nakamura, le fondateur de Namco. Mais lorsque l’entreprise a fusionné avec Bandai et que le fondateur a pris sa retraite, Monolith Soft avait le sentiment de ne plus goûter à la liberté qui leur était chère. On peut notamment le voir dans le fait que l’hexalogie prévue à l’origine soit devenue une trilogie. C’est à ce moment que Nintendo a commencé à se rapprocher du studio, jusqu’à en acquérir la majorité des parts (80%) en avril 2007. Bandai Namco est resté possesseur de 16% des parts, et a vu l’opération comme un bon moyen de se rapprocher du créateur de console japonais.

Du côté du développeur, la situation s’est tout à coup améliorée. Nintendo a tout simplement choisi de leur laisser le temps qu’il leur fallait pour développer leur vision, sans interférence. Une seule contrainte : celle budgétaire. Et Tetsuya Takahashi a choisi de le vivre comme un défi. Désormais, outre le fait de mettre en avant de jeunes développeurs, Monolith Soft a fait de sa culture d’entreprise l’idée de réussir à créer de larges mondes intéressants… même sur un budget limité.

Ce changement de philosophie ne va pas à l’encontre de sa volonté de faire briller les jeunes développeurs, bien au contraire : il met en avant leur savoir-faire et leur professionnalisme. Après des années à subir les tribulations allant avec les partenariats, le créateur Tetsuya Takahashi est maintenant en place de réaliser à l’exacte ses attentes. Et tout cela s’est cristallisé dans Xenoblade Chronicles. Voilà qui rend le JRPG d’autant plus spécial.

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