Comment la sorcière est devenue cool
Dossier
PUBLIÉ LE 24 janv. 2023

Comment la sorcière
est devenue cool

Crédit : Square Enix
PUBLIÉ LE 24 janv. 2023

Dans Forspoken, la dernière production de Square Enix, l’héroïne doit libérer le monde imaginaire d’Athia de l’emprise de deux sorcières maléfiques. Des antagonistes bien différents de la figure « classique » de la magicienne sur son balai. Retour sur une (r)évolution.

Qu’il semble loin le temps où les sorcières n’étaient que des vieilles femmes édentées volant sur un balai décrépi au clair de lune, à la recherche de petits enfants à faire cuire dans leur chaudron… Depuis plusieurs décennies maintenant, la « sorcière » s’impose comme une figure centrale de nos œuvres de fiction. Explications.

De la méchante mangeuse d’enfants…

On ne va pas y aller par quatre chemins : les sorcières sont aussi vieilles que le monde. Dès l’Antiquité, Homère parle d’une enchanteresse dotée de pouvoirs magiques qui transforme les compagnons d’Ulysse en porcs. Circé (c’est son nom) est décrite dans l’Odyssée comme une femme séduisante qui attire les hommes dans son antre afin de les tuer. Durant les siècles suivants, cette image de femme “fatale” (littéralement), perdure. C’est simple, entre le Moyen- ge et la fin du XVIIIème siècle, toute personne de sexe féminin vue comme déviante (au sens très large du terme) est considérée comme pratiquant la sorcellerie. Les châtiments sont alors terribles (coucou le bûcher) et les exactions très nombreuses. C’est durant cette (très grande) période que le combo “balai-maison isolée dans la forêt-chaudron” se développe… Et entre dans l’imaginaire collectif d’un Occident encore très pieux et peu illuminé.

De nombreux auteurs s’emparent alors de cette image d’épinal et font de la sorcière l’antagoniste principal de leurs contes. C’est le cas, par exemple, de Charles Perrault avec la Belle au Bois Dormant en 1697 ou des Frères Grimm avec Hansel et Gretel au XIXème siècle. Et qui dit conte, dit forcément adaptation, notamment par un certain… Walt Disney. En transposant à l’écran ces histoires folkloriques en succès populaires et en donnant un visage à ces sorcières, ce bon vieux Walt participe activement à ancrer le mythe dans la tête de millions de spectateurs.

… à la gentille ménagère

Il faut attendre les années 60 pour que l’image de la “méchante sorcière” change drastiquement. Ce revirement nous est offert par une sitcom culte sortie en 1964 : Ma Sorcière Bien Aimée. On y suit les aventures de la sorcière Samantha, mariée au mortel Jean-Pierre. Le show d’ABC, dans sa représentation de la sorcière, détonne. Pour la première fois, la magicienne est représentée dans un environnement contemporain (une banlieue américaine classique). On est donc bien loin de la hutte cachée au fond des bois. Ensuite, Samantha, à l’inverse de ses ancêtres de fiction… est sympa. Pas question de tuer des petits enfants ou de faire des incantations démoniaques : Samantha est une gentille ménagère qui fait tourner la maison à coups de petits mouvements de nez pendant que son gauche de mari va travailler.

Pour la première fois, une sorcière est, non seulement du bon côté de la force, mais surtout le personnage principal d’un show aux millions de téléspectateurs. Le succès de “Bewitched” (en VO) pousse donc les studios et les auteurs à réhabiliter celle qui n’était avant qu’une simple méchante pour en faire un personnage central et puissant. Samantha, sous ses vrais-faux airs de ménagère, était donc une pionnière qui a donné naissance à une flopée de “descendantes” qui allaient se battre contre des méchants, mais aussi le patriarcat et les préjugés sexistes… Sans Samantha, il n’y aurait peut-être jamais eu les sœurs Halliwell (Charmed), ni Sabrina, ni peut-être même Hermione Granger… Donc rien que pour ça, merci Sam.

La sorcière et le nouveau millénaire

Durant toute la seconde partie du XXème siècle, les sorcières se sont donc offert un sérieux lifting, devenant des figures adulées, craintes et respectées. Ce “respect” s’observe notamment dans le cinéma d’horreur, qui n’hésite pas à en faire des antagonistes ultra-badants et crédibles. C’est le cas dans le cultissime Projet Blair Witch (1999), mais aussi dans le terrifiant Conjuring (pas merci Bathsheba Sherman, on ne regarde plus nos armoires comme avant à cause de toi) ou encore dans le superbe The Witch (2016).

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Du côté des jeux vidéo, c’est le même son de cloche : les sorcières deviennent des personnages à part entière, tantôt jouables comme dans Bayonetta ou The Witcher (oui, on sait, Géralt est un homme, mais tu as compris l’idée), tantôt antagonistes principales comme dans Dragon Age ou encore… Forspoken. Dans le jeu de Square Enix, les “Tantas” sont des méchantes coriaces qui règnent en maître sur le monde imaginaire d’Athia. Bref, elles occupent le premier rôle et tu n’as clairement pas intérêt à faire le fou avec elles.

Tu l’auras compris, au fil des décennies, la fiction a fait passer les sorcières de méchantes de contes pour enfants à véritables stars des écrans. Un glow up assez impressionnant qui confirme que, oui, voler sur un balai n’a jamais été aussi cool.

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