Comment exploiter l'IA générative lors du développement d'un jeu vidéo ?
Dossier
PUBLIÉ LE 4 mai 2023

Comment exploiter l'IA
générative lors du
développement d'un jeu vidéo ?

Crédit : Ubisoft
Etienne C.
Etienne C.
Auteur Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 4 mai 2023

Alors que les prophètes de la Silicon Valley s’interrogent sur les conséquences du dopage effréné de cerveaux numériques comme ChatGPT, DALL-E ou Midjourney, les professionnels de l'industrie du jeu vidéo s'intéressent aussi aux possibilités offertes par l'IA générative. Ainsi qu'aux conséquences de son utilisation.

Faut-il suspendre les avancées en matière d'intelligence artificielle ? C'est le vœu formulé par un millier d'experts du secteur dans une lettre ouverte, datant du 22 mars, alertant sur les "risques profonds" que représentent les systèmes dotés d'une IA "pour la société et l'humanité". "Devrions-nous automatiser tous les emplois, y compris ceux qui sont gratifiants ?"s'interroge la tribune signée par plusieurs figures du milieu comme Elon Musk, Steve Wozniak ou des chercheurs de DeepMind, filiale de Google qui a développé un programme capable, entre autres, de battre les meilleurs joueurs mondiaux de Starcraft II.

IA-starcraft
Crédit : Blizzard Entertainment

La question soulevée par la tribune, l'industrie du jeu vidéo pourrait, à terme, se la poser puisqu'elle a recours aux algorithmes pour automatiser certaines tâches depuis des années. Sauf que lesdites tâches étaient, jusqu'ici, supervisées par un développeur exploitant un outil configuré en fonction de son besoin. "Aujourd'hui, même les jeux dont le gameplay ne repose pas sur l'immensité et l'aléatoire ont recours à des middlewares ou des outils utilisant la génération procédurale, écrit le journaliste Ambroise Garel dans Canard PC. Pourquoi se ruiner la santé à créer les centaines de textures nécessaires à un jeu AAA moderne quand des outils (par exemple FilterForge ou Substance Designer) permettent de générer des variations de n'importe laquelle en quelques clics ?".

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Crédit : OpenAI

Un intérêt grandissant pour l'apprentissage automatique

De fait, l'industrie du jeu vidéo n'échappe pas à l'engouement suscité par les avancées récentes en matière d'IA générative (voir définition ci-dessus). Ni aux débats qui en découlent dans la sphère publique depuis la mise à disposition de ChatGPT, un robot conversationnel développé par la société OpenAI capable de simuler des conversations humaines, rédiger des articles ou générer des lignes de code en réponse à un prompt, ainsi que des générateurs d'images à partir de requêtes textuelles comme Midjourney ou DALL-E. Il est aisé de comprendre pourquoi le secteur, qui bâtit des mondes virtuels de plus en plus vastes et complexes, s'intéresse aux possibilités offertes par l'apprentissage automatique. En laissant ces cerveaux numériques s'occuper des tâches "ingrates" et répétitives, les studios pourraient faire des économies, investir leurs ressources dans d'autres aspects cruciaux du développement ou mieux encore : éviter une période de crunch avant la sortie.

Résultat : l'IA générative était,selon un contributeur du site Game Developer, l'un des principaux sujets de conversation lors de la Game Developers Conference, événement annuel réservé aux professionnels de l'industrie. Plusieurs sociétés ont profité du momentum" pour présenter des outils en développement : Ubisofta dévoilé Ghostwriter, un générateur de "barks" (brèves répliques de PNJ n'ayant que peu d'intérêts narratifs) et Unity a annoncé le déploiement d'une marketplace dédiée.

IA-cyberpunk
Crédit : CD Projekt

L'IA doit être supervisée par l'homme

Mais après le passage du train de la hype restent les interrogations, que l'on soit enthousiaste ou réfractaire au machine learning : faut-il s'attendre à ce que les humains, comme dans toute dystopie respectable, soient remplacés par les machines ? Le principal travail du développeur consistera-t-il, dans quelques années, à rédiger des prompts de plus en plus précis ? Sans doute pas, selon plusieurs spécialistes interrogés sur le sujet. "J'ai lu des affirmations franchement ridicules, tempère Patrick Mills, content strategy lead chez CD Projekt Red,dans WIREDn. Certaines personnes pensent qu'une IA serait capable de bâtir Night City, alors que nous en sommes encore loin. Beaucoup de gens pensent que ces outils sont proches de l'intelligence humaine, mais ça ne fonctionne pas comme ça. Il faudrait développer une IA sur-mesure, capable de construire Night City ou, plus globalement, un monde ouvert". Comprenez : une IA générative doit, comme un outil de génération procédurale, être supervisée par l'homme pour ne pas s'égarer. Prenons l'exemple d'un générateur textuel comme ChatGPT : puisqu'il s'appuie sur un corpus qui nous dépasse, il pourrait divaguer sur des sujets qui n'ont pas grand chose à voir avec le monde dans lequel il évolue. De fait, les outils ne doivent pas être considérés comme une force de travail parfaitement autonome, du moins pas pour l'instant, mais plutôt comme des assistants. "ChatGPT et Midjourney sont des outils de résolution de problèmes, des accélérateurs de processus et des aides à la création, mais ne remplacent pas la créativité,appuie un développeur dans les colonnes de GamesIndustry. Les outils de développement ne font pas le travail à notre place, il en va de même pour l'IA générative".

Dans sa forme actuelle, l'IA générative pourrait être utilisée de trois façons lors du développement : le remplissage textuel, la conception artistique lors de la phase de pré-production et la création d'assets n'ayant pas de fonction propre. En clair : si le contenu n'a pas vraiment d'importance, il peut être généré. Mais un jeu AAA entièrement pondu par une intelligence artificielle reste, pour l'heure, un rêve d'auteur de science-fiction. D'ici là, il faudra se contenter de Snake.