Birds of Prey ou l'émancipation d'Harley Quinn
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PUBLIÉ LE 22 janv. 2020

Birds of Prey
ou l’émancipation
d’Harley Quinn

Crédit : Warner Bros.
Etienne C.
Etienne C.
Auteur Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 22 janv. 2020
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Dans Birds of Prey qui débarque en salles en février prochain, Harley Quinn se libère temporairement de l’emprise du Joker. Son « partner in crime » qui lui fait vivre un enfer depuis 1992. Et c’est tant mieux.


Une séquence du trailer de Birds of Prey (et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn) ne laisse pas de place au doute : le Joker manque à l’appel. La bande-annonce du long-métrage, qui débarque en salles le 5 février prochain, officialise la rupture « par consentement mutuel » entre les deux personnages de DC Comics. Elle suggère aussi qu’Harley Quinn l’aurait envoyé s’écraser sur une usine de produits chimiques. D’ailleurs, lors d’une interview accordée à Variety, Margot Robbie l’a confirmé : pas de caméo pour le Joker. Rien, nada. Et on vous explique pourquoi c’est une excellente nouvelle.


Margot Robbie dans le trailer de Birds of Prey
Crédit : Warner Bros.

La naissance d’une icône


Harley Quinn apparaît pour la première fois en septembre 1992, dans l’épisode « Chantage à crédit » de la série animée Batman. Mais à l’époque, son rôle est minime : elle n’est qu’une porte-flingue de plus dans le crew du Joker. « Je savais que je voulais un sbire féminin dans cet épisode et j'ai pensé que mon amie Arleen Sorkin pouvait très bien l’incarner », explique Paul Dini, l’un des créateurs du personnage, à DigitalSpy. « Un jour, j'étais malade à la maison et je regardais Days of Our Lives à la télévision. [Arleen Sorkin] y jouait un personnage de bouffon dans une séquence fantaisiste. Je me suis dit : c’est vraiment très drôle. Peut-être que je peux m’en inspirer pour mon personnage ». Avec son costume d’Arlequin et son accent de Brooklyn, le personnage d’Harley Quinn fait fureur dès sa première apparition. Au point de devenir un membre incontournable du gang et la star de certains épisodes de la série. « Comme nous utilisions davantage le personnage dans les épisodes, nous voulions en savoir un peu plus sur elle », se remémore Paul Dini. « Nous avons commencé à nous demander (…) qui est-elle et d'où vient-elle ? »


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Relation destructrice & syndrome de Stockholm


Cette question, Paul Dini et Bruce Timm y répondent dans Batman : Mad Love, un comics sorti en 1994 qui est auréolé du prix Eisner (l’équivalent des Oscars de la BD) dans la catégorie « meilleur one-shot ». Dans l’ouvrage, on apprend qu’Harley Quinn se prénomme Harleen Frances Quinzel et qu’elle est psychiatre à l’Asile d'Arkham. C’est dans ce lieu glauque qu’elle tombe amoureuse de l’un de ses patients : le Joker. Son « poussin », comme elle l’aime l’appeler, qu’elle aide à s’évader afin qu’il puisse buter Batman (dont l’existence constituerait un frein à leur amour naissant). Mais bien sûr, tout ne se passe pas comme prévu et Harley Quinn finit, à son tour, enfermée à l’Asile d’Arkham. Pour elle, c’est le début d’une relation extrêmement toxique avec le méchant le plus iconique de l’univers DC. « Nous avons en quelque sorte défini qui était Harley dans cette bande dessinée », explique Paul Dini. « J’ai été ravi de la réaction qu’elle a suscitée. »


Le Joker tend un piège à Harley Quinn
Crédit : DC Comics

Au départ, les deux créateurs d’Harley Quinn ne souhaitaient pas que le Joker ait de petite-amie. La raison ? Ça aurait pu le rendre plus humain. « Nous essayions vraiment de souligner à quel point il pouvait être bizarre et effrayant », explique Bruce Timm au New York Times. Pourtant cette relation l’a rendu encore plus cruel aux yeux des gens dotés d’un minimum d’empathie. Abus physiques, psychologiques… Le Joker tente de tuer sa « partner in crime » à plusieurs reprises. Il lui tire dans l’estomac, l’enferme dans une fusée, tente de la faire chuter d’un immeuble… Bref, il lui fait vivre un calvaire. Est-ce qu’on a vraiment envie de voir toute cette violence gratuite dans un film de super-héros en 2020 ? Non, pas vraiment.


Suicide Squad : l’acte manqué


En 2016, la question du traitement des violences s’est d’ailleurs posée avant la sortie de Suicide Squad. Comment cette codépendance destructrice sera dépeinte à l’écran par David Ayer, le réalisateur ? Dans un article publié sur MTV, Wind Goodfriend, chercheuse en psychologie, s’en inquiétait à raison après le leak d’une séquence du tournage où le Joker (campé par Jared Leto) met une gifle à sa complice : « Si [Harley] doit être présentée comme une victime d'abus, qui continue de les accepter et de revenir vers son bourreau, je pense que les téléspectateurs qui sont ou ont été eux-mêmes des victimes pourraient être traumatisés à nouveau. »


Harley Quinn dans Suicide Squad en 2016
Crédit : DC Comics

C’est de notoriété publique : Suicide Squad a été retravaillé en profondeur avant sa sortie et de nombreuses scènes (notamment du Joker) ont été coupées au montage. Ce qui a profondément gavé Jared Leto, d’ailleurs. Mais difficile de savoir si des scènes où le Joker abuse physiquement ou psychologiquement d’Harley Quinn ont été laissées de côté, même si plusieurs médias le suggèrent. Une seule certitude : l’issue du film aurait dû être différente.


En mars 2018, David Ayer l’affirmait sur Twitter : Harley Quinn devait se libérer de l’emprise du Joker. « Après le crash de l’hélicoptère, L’Enchanteresse a passé un accord avec lui : ramener Harley et devenir le roi de Gotham explique-t-il. « Harley lui a tenu tête et a refusé de trahir ses nouveaux amis. L'escouade s'est retournée contre lui et il s'est échappé. » On peut légitimement se demander si le film, qui a été taillé par la critique mais a rencontré un certain succès au box-office, n’aurait pas été mieux accueilli avec ce twist.


Une renaissance dans Birds of Prey ?


Margot Robbie, qui campe le rôle d’Harley Quinn depuis 2016, l’a aussi avoué : l’intérêt de sa relation avec le Joker lui a longtemps échappé. « J’ai mis du temps à comprendre pourquoi elle reste dans une relation avec un type qui la maltraite », explique-t-elle à Variety. « J’ai dû faire quelques recherches, lire, puis j’ai compris. J'ai lu la pièce "Fool For Love", et j'ai soudain vu sa relation avec Mr. J d’une autre manière. »


Birds of Prey débarque au cinéma en février 2020
Crédit : DC Comics

L’actrice, qui enchaîne les succès depuis quelques années, a surtout été attirée par le côté imprévisible du personnage : « Harley est un personnage facile à insérer dans presque toutes les situations, car quoi qu'il arrive, elle va tout simplement remuer la merde », dit-elle. L’analyse est partagée par Bruce Timm : « D’un point de vue créatif, le personnage a de l’intérêt parce que vous pouvez faire n’importe quoi avec elle. Le fait qu’elle ne respecte pas les règles, surtout dans [Suicide Squad], je pense que ça parle à tout le monde. » Il faudra encore, sans doute, plusieurs productions pour qu’Harley Quinn s’émancipe totalement du Joker, auquel elle montre encore son attachement dans le trailer. Mais on a hâte de la voir brûler et exploser des trucs en toute indépendance dans les salles obscures le 5 février prochain.