Jeux Flash : mille petits jeux dans le vent
Dossier
PUBLIÉ LE 7 avr. 2023

Jeux Flash :
mille petits jeux
dans le vent

Crédit : Armor Games Studios
Nico Prat
Nico Prat
Expert Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 7 avr. 2023

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Vous connaissez la chanson, devenue une expression, on ne peut plus véridique dans le cas présent : les années 90, et plus particulièrement le début des années 2000. Oui, c’était il y a vingt ans, à peu de choses près. Et Internet n’avait pas le même visage. Les jeux en ligne non plus.

Oui, il fut un temps où Internet était différent. Nous n’allions pas sur Facebook, ni sur MySpace, pas encore. Il y avait en réalité peu de photos, les vidéos ressemblaient à tout sauf à des vidéos, plutôt à un amas de pixels sans âme. Mais en 1996, tout a commencé à changer, lentement mais sûrement, avec la sortie du petit plugin de navigateur FutureSplash Player. Et si ce nom ne vous dit rien, rassurez-vous : il deviendra par la suite Macromedia Flash Player, et plus tard Adobe Flash Player. Là, vous commencez à vous en souvenir.

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Crédit : Newgrounds

Adobe Flash était un programme de création d'animation, et Flash Player permettait à cette animation de jouer dans la fenêtre du navigateur. Voilà pour la technique, sans entrer dans les détails, nécessairement complexes, même si justement Flash avait cette particularité : une prise en main facile, et donc la possibilité de tester, de créer, sans réel risque de se planter. De fait, rapidement, Adobe Flash (que nous appellerons tout simplement Flash) change l’apparence même d’Internet. Tout commença pourtant relativement mollement, avec l'un des jeux Flash les plus célèbres de la fin des années 90, Pico's School, un jeu d'aventure inspiré du massacre de Columbine High School, mettant le joueur dans la peau du titulaire Pico, qui doit combattre un groupe d'enfants gothiques stéréotypés qui ont tué ses camarades de classe. Rien de techniquement fascinant aujourd’hui, ni même de particulièrement subversif, et pourtant, l’essence même de ce qui fera le succès des jeux Flash est alors contenu ici : un thème sulfureux, du sang pas cher (certains des jeux les plus connus permettaient de voir des Teletubbies satanistes ivres ou d’entrer dans la peau d'un kamikaze), et le sentiment de réellement jouer, gratuitement, à un véritable jeu vidéo, même le temps de quelques niveaux mal ficelés.

Puis, en 2000, tout change, avec la naissance de NewGrounds, site web créé par Tom Fulp, auteur de Pico's School. Le principe ? Divertir. NewGround n’est rien d’autre qu’un portail Flash. Parallèlement, la version 2.0 du logiciel voit le jour, devenant la norme pour les développeurs pour les années à venir. Et c’est peu dire qu’il y eut de quoi faire : Meat Boy, The Last Stand, The World Hardest Game, Age of War, This Is The Only Level… Un terreau fertile pour les créateurs. Mais Internet et nos habitudes évoluent vite, et au début des années 2010, trois ans après le lancement du premier iPhone, les smartphones sont partout. Une aubaine ? Pas vraiment. En avril 2010, Steve Jobs écrit une lettre ouverte intitulée Thoughts on Flash (mes pensées au sujet de Flash), dans laquelle il explique les raisons pour lesquelles le produit d'Adobe n'a pas sa place sur les appareils Apple. Selon lui, Flash est tout simplement à la traîne, trop lent, trop moche aussi, peu adapté aux écrans tactiles.

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Crédit : Newgrounds

Dès lors, la messe est dite, même si personne ne le sait encore réellement. Adobe tente de soigner les apparences, enlève même le mot Flash du nom du programme, transformant Adobe Flash en Adobe Animate. Sans succès. En 2017, une mise à mort est officiellement annoncée, et elle a lieu quelques années plus tard, en 2020. Et quoi de plus logique, finalement ? Les réseaux sociaux, sur lesquels nous passons désormais le plus clair de notre temps, ne sont pas ouverts et il n'est pas très facile de s'y introduire, les créateurs ne peuvent y insérer librement, sans supervision, des jeux nés de leur imaginaire. De plus, les jeux modernes se doivent d’avoir des fonctionnalités sociales, comme des cadeaux, tournois, classements… Tout ce que Flash ne permet pas, n’a jamais permis.

Et pourtant, ici et là, difficile de ne pas se souvenir de cette époque, en jouant en ligne, en regardant Clash Of Clans ou Candy Crush, oui, difficile de ne pas y voir l’héritage de Flash et de toute une époque de folle créativité.