Confessions d'un accro à Football Manager
Dossier
PUBLIÉ LE 28 janv. 2020

Confessions
d'un accro à
Football Manager

Crédit : Sports Interactive
Selim K.
Selim K.
Auteur Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 28 janv. 2020

L’addiction était autrefois un concept très abstrait pour ma personne. Mais ça, c’était avant de découvrir Football Manager.


Je me souviens encore de la première fois où j’ai grillé mon grand frère sur L’Entraîneur 4. C’était en 2003. J’avais alors 8 ans, et l’Olympique Lyonnais commençait à rouler sur la Ligue 1. À l’époque, rien n’était plus important pour moi que Pro Evolution Soccer 3. Mon objectif de vie ? Marquer des 35 mètres avec « Le Moine », surnom affectif donné à Zidane avant d’atteindre la puberté. Autant vous dire que lorsque je voyais mon frère regarder des pions bouger, et bien, ça ne me vendait pas de rêve du tout. Quel est l’intérêt de jouer à un jeu si c’est pour ne pas en être l’acteur ? Quel kiff peut-on prendre à s’occuper de toutes les corvées d’un club de football ? Soit autant d’interrogations qui me taraudaient. Puis j’ai grandi, compris le fonctionnement d’un club de football, et voilà, la ligne jaune était franchie.


Dans la peau d’un DRH


C’est un fait : le supporter de football sait tout mieux que tout le monde. Il a sa propre vision de la discipline : souvent romantique, parfois pragmatique, et n’hésite pas à donner des leçons de coaching à Pep Guardiola ou Carlo Ancelotti planqué derrière sa télévision. S’écharper avec ses collègues en soutenant mordicus qu’un passage en 4-2-3-1 serait bien plus bénéfique qu’un 4-3-3 est juste un grand classique des cours de récré, ou des pauses clopes. Oui mais voilà : si derrière chaque homme se cache un grand tacticien, comment établir une hiérarchie ? En jouant à Football Manager, bien sûr. C’est un peu comme ça que j’ai réalisé le grand saut sur Football Manager 2009, en quête de réponses, pour bêtement prouver à mes potes de 5ème que je pense le football mieux que personne. Alors, oui, c’est totalement faux. Et puis, au final, cette licence n’est qu’un ensemble d’algorithmes à maîtriser, et ne représente absolument pas ce qui se passe sur un vrai rectangle vert. Mais cette réflexion stupide m’a au moins poussé à plonger dans le jeu.


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Crédit : Sports Interactive

Mes premières parties n’étaient pas très intéressantes. Soit parce que les clubs sélectionnés étaient trop forts et ne représentaient pas un challenge intéressant, soit parce que je les ruinais très vite à coup de transferts chocs payés en 48 mois. Voire pire, je recommençais les matchs perdus jusqu’à décrocher le gros lot. Une honte. Mais la force de Football Manager est qu’il s’agit d’un jeu qui devient plus addictif au fur et à mesure que l’on prend de l’âge. Nouveau lecteur des Cahiers du Football, consommateur de So Foot et d’une montagne d’ouvrages footballistiques, j’avais faim de connaissances, et c’est ainsi que mon appétit pour FM s’est développé.


Au lycée, mes feuilles de cours et mes cahiers étaient remplis de compos en tout genre, de listes de recrues potentielles ou de réflexions tactiques. Je commençais à prendre le jeu très au sérieux, en constante recherche d’optimisation. Là où il me fallait auparavant 30 minutes de mise en place avant de lancer le premier match d’une carrière, je me suis vite retrouvé à y passer une vingtaine d’heures. Entre recrutement et licenciement du staff, supervision de l’effectif principal, de la réserve ou des U19, ou encore la mise en place des entraînements collectifs et individuels. Sans parler des périodes de mercato et de prolongations de contrats interminables. Bref, si j’avais aussi bien organisé ma vie que mes parties FM, qui sait, je serais peut-être Président de la République.


Puis viennent les victoires et l’addiction


Sérieux comme un pape face à mon écran, le travail fourni a commencé à payer. D’abord dans une partie avec le Stade Rennais, mené par feu Sotiris Ninis et un Olivier Giroud encore dans sa jeune vingtaine. Deux monstres qui m’ont apporté mon premier titre de champion, sans triche. Puis se sont enchainés plusieurs parties en tout genre, avec des clubs brésiliens, autrichiens, en CFA voire même en commençant sur le marché de l’emploi. C’est ainsi que je suis rentré dans une boulimie managériale sans précédent. C’est bien simple : chacun de mes temps libres étaient dédiés à Football Manager. Voir ma copine partir en week-end constituait l’occasion parfaite pour passer une trentaine d’heures à amener Libourne-Saint-Seurin en Ligue des Champions. Et de façon bien sale, à base de nouilles instantanées et de sandwichs triangles, pépèrement posé en calbute sur ma chaise. Mes soirées et mes nuits étaient passées à massacrer ma touche espace. Les saisons s’enchaînaient, certaines parties allant jusqu’en 2040, de quoi voir l’Equipe de France remporter cinq ou six Coupe du Monde, et Freddy Adu une dizaine de Ballon d’Or. J’y ai sacrifié mes nuits, mon énergie, des rencontres et des soirées, comme l’aurait fait un toxicomane. L’époque où je me foutais de la gueule du frangin était bien loin, je me retrouvais heureux dans ma bulle, assoiffé de victoires virtuelles.


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Crédit : Sports Interactive

Au final, la vie m’a rattrapé et j’ai dû arrêter pendant quelques années, études supérieures oblige. Je me suis sevré, du jour au lendemain et pendant quatre longues années. Mais vous savez quoi ? Je viens de craquer et d’acheter Football Manager 2020, donc je vous laisse là et je file mener Chambly à son premier titre de champion. Et, accessoirement, retirer les miettes coincées sous les touches de mon clavier.