Le clic qui claque : pourquoi on aime autant les clickers
Dossier
PUBLIÉ LE 20 juin 2022

Le clic qui claque :
pourquoi on aime
autant les clickers

Crédit : Pokéclicker
Valentine B.
Valentine B.
Autrice Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 20 juin 2022

Le clic fait partie de notre quotidien, autant pour le boulot que pour les loisirs. Certains jeux vidéo en ont d’ailleurs fait leur marque de fabrique. Mais pourquoi a-t-on autant envie de cliquer ? Qu’est-ce qui rend la chose addictive ? Explications.

En passant sur vos plateformes de stream préférées au début de l’année 2022, vous avez dû remarquer quelques streamers jouer à un certain Pokéclicker. Eh bien ce style de jeu, plus communément nommé clicker ou jeu incrémental, est omniprésent depuis quelques années. Au lieu de proposer un gameplay profond comme un Assassin’s Creed, ou plus réfléchi comme Professeur Layton, le sien repose sur le scoring et la patience. Et bizarrement, la chose est d’autant plus addictive et prenante.

C’est quoi un clicker ?

Alors, le principe d’un clicker est on ne peut plus simple : il suffit de cliquer pour faire avancer le jeu et augmenter son score. Tout simplement. Tu amasses des ressources via tes clics ou en laissant passer le temps. Mais plus tu cliques, plus le chiffre va augmenter rapidement. Et ça, à l’infini. Alors, non, les clickers n’ont pas vraiment de fin, les chiffres augmentent toujours plus pour atteindre des niveaux indécents. Comme on l’a déjà dit plus haut, ce style vidéoludique porte divers noms : jeu incrémental (le fait d’ajouter petit à petit des valeurs), mais aussi idle game (le terme “idle” signifie “inactif” dans la langue de Shakespeare), ou encore AFK game (“Away from keyboard” pour “loin du clavier”). Et ces noms ne sont pas anodins, car ces jeux proposent… de ne rien faire. Source : gamedevelopment.tutsplus.com

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Crédit : Eric Fredricksen

Le style s’est popularisé au début du siècle, notamment avec Progress Quest en 2002 (source : New Game Plus). Dans un style assez daté et digne d’une interface Windows 95, il représente un genre de RPG dans lequel on combat monstres et autres bestioles. Son côté addictif, il le doit à sa jauge qui augmente avec le temps (ou les clics) et qui permet de gagner de l’XP et donc de venir à bout des missions. Puis en 2013, un clicker débarque et propulse le genre aux rangs des jeux ultimes sur PC : Cookie Clicker. Fait par un Français sous le pseudonyme d’Orteil, le jeu incrémental (disponible directement sur son navigateur) demande simplement de cliquer sur un cookie pour débuter. Puis il s’automatise au fur et à mesure grâce à des outils : usines, tour de magie, grand-mère, etc. Il y pleut littéralement des cookies !

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Crédit : Julien "Orteil" Thiennot

En 2014, Clicker Heroes rejoint le cercle des jeux qui se jouent tout seul et proposent de se débarrasser de monstres à travers divers niveaux, tel un dungeon crawler. Un poil plus complexe, notamment avec ses mécaniques de resets pour améliorer son stuff, le clicker trouve un public très rapidement et devient même le premier jeu du genre à être joué sur consoles. Aujourd’hui, le style est toujours aussi populaire et demandé, surtout quand on voit l’accueil récent de Pokéclicker disponible depuis 2021 sur navigateur Internet. Celui-ci permet d’explorer les maps des jeux Pokémon (Kanto, Johto, Hoenn, Sinnoh…) et le but est de cliquer pour attraper ou battre nos monstres de poches favoris. Et le tout en utilisant le procédé narratif des divers opus de la saga : starter, arène, Ligue Pokémon, etc.

Toujours à portée de main

Les jeux incrémentaux sont très accessibles. Pourquoi ? Car on peut autant y jouer directement sur son navigateur Internet, mais aussi sur les smartphones, comme c’est le cas pour Cookie Clicker ou Clicker Heroes. Sans oublier qu’ils sont très souvent gratuits. Comme ils ne demandent pas vraiment de notre temps et fonctionnent bien (voire même mieux) en arrière-plan, les clickers font partie des petits moments du quotidien où on se dit : “Que faire pour faire passer le temps ?”. Alors, on joue dans les transports en commun pour patienter avant d’arriver au boulot ou rentrer à la maison, on le laisse tourner quand on est au travail, quand on prépare à manger, etc. Pas très gourmand en temps, mais gourmand en ressource, le clicker n’est pas encombrant et occupe des moments succincts du quotidien.

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Crédit : Playsaurus

Gagner sans rien faire : un gameplay posé

Le style vidéoludique se développe autour d’une théorie et expérience en date des années 30 (ouais, on remonte loin là). Le penseur américain Skinner (pas le principal dans Les Simpsons) théorise alors la Boîte de Skinner, une expérience visant à se rendre compte du comportement animal dans une situation particulière : un rat dans une boîte, appuie sur un bouton et reçoit en récompense de la nourriture. Le but est de simplifier le conditionnement du rongeur et de voir sa réaction face à des stimulus spécifiques. Le principe est donc similaire dans un clicker. Dans le cas de Cookie Clicker, le joueur clique sur le cookie et reçoit en récompense le délicieux gâteau. Par conséquent, il est récompensé pour son effort. Alors, il en veut toujours plus et obtient gain de cause en continuant de cliquer pour gagner du score.

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Crédit : Pokéclicker

Cliquer, c’est bien, mais n’est-ce pas mieux de regarder le jeu mener sa vie comme bon lui semble ? En effet, le gameplay d’un clicker se fait aussi autour de l’idée de rester AFK, mais que la vie continue à l’intérieur. La volonté est de montrer que nos clics aident à aller plus vite, certes, mais que le fait de fermer le jeu ne l’empêche pas d’avancer. De plus, on peut être témoin de la montée colossale des chiffres et de l’évolution de notre partie : les ressources fusent sans pour autant qu’on fasse quelque chose. Le plaisir vient aussi, même en ne faisant rien.

L’addiction d’avoir toujours plus

Le coût du clic ? Zéro. L’amas du clic ? Immense. Le but d’un idle/clicker est de donner l’illusion d’avoir un truc à faire, car il donne de l’importance au clic. Et même quand on ne fait rien, il se passe toujours quelque chose. On détourne le regard, le jeu continue sa vie et quand on revient, on clique machinalement sur un nouvel objectif et pour amasser des ressources plus rapidement. Et qu’est-ce que c’est satisfaisant ! Dans le cas de Cookie Clicker, si on fait l’effort d’avancer aussi via nos clics, ça ira encore plus vite. Le processus s’accélère pour notre satisfaction. De plus, si on joue à plusieurs clickers en même temps, cela donne l’illusion d’avoir toujours quelque chose à faire, car il y a toujours une ressource à ramasser ou une quête à valider comme dans Pokéclicker. On a le sentiment du devoir accompli.

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Crédit : Zepni Ltd.

Vous l’aurez compris, un clicker demande peu de notre personne, avec une récompense à la clé : le score qui grimpe inlassablement. Et c’est là que débarque une addiction au jeu incrémental. Eh oui, son côté addictif, c’est d’attendre que quelque chose arrive et une fois qu’on peut cliquer, on est content, et on recommence. C’est aussi regarder le chiffre arriver à un certain seuil pour ajouter une nouvelle Tour de Mage dans Cookie Clicker. Mais aussi de pouvoir créer une nouvelle race de chat dans Cat Condo. Ou bien la satisfaction retirée après avoir attrapé un Pokémon fuyard tel Raikou ou Entei, ou de récupérer un Shiny après des heures d’attente.

En soi, on ne retire rien de ces jeux de manière personnelle, ni skills, ni argent. Mais c’est la satisfaction d’avancer et de voir le jeu progresser sans qu’on ait quoi que ce soit à faire qui procure un petit plaisir. On se nourrit du scoring, qui est une base du jeu vidéo avec ces chiffres qui ne font qu’augmenter sans qu’on comprenne vraiment pourquoi. On veut voir le chiffre toujours plus haut et inscrire notre nom tout en haut du tableau des scores comme dans une borne d’arcade. Sans oublier qu’on n’est jamais perdant dans un clicker. Pas de game over, ni de boss intuables ou de niveaux à finir en 4 coups comme dans Candy Crush. La magie opère sans rien faire. En fait, c’est un genre de casino où on ne fait que gagner, le score remplaçant l’argent, où le gain ne se perd jamais même après avoir été dépensé dans des améliorations. D’où le côté addictif.

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Crédit : Playsaurus

Le clicker a une place très imposante dans le paysage vidéoludique, surtout dans l’ère des smartphones. L’accès y est simpliste, le gameplay accessible, et l’écran de fin inexistant. Même si on le voulait, on ne pourrait voir une réelle fin à ces jeux-là, ou bien il faudrait faire preuve d’une patience extrême. Mais ne dit-on pas “tout vient à point à qui sait attendre” ? Alors, nul besoin de prendre ses cliques et ses claques !