Vie et mort dans le jeu vidéo
Dossier
PUBLIÉ LE 29 juil. 2021

Vie et mort dans
le jeu vidéo

Crédit : Bandai Namco
Nico Prat
Nico Prat
Expert Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 29 juil. 2021

Dans les jeux vidéo, on meurt. On meurt même beaucoup. Que la séquence soit particulièrement brutale, totalement hors champs, ou même abstraite. Et quand on ne meurt pas, bien souvent, on tue.

Juste par curiosité, comme ça, dressez une liste de jeux dans votre tête. De vos jeux préférés, des plus connus, ou tout simplement de ceux qui vous viennent à l’esprit. Ensuite, mettez de côté ceux dans lesquels la mort n’a aucun rôle à jouer, dans lesquels aucun décès ne peut survenir, jamais. Super Mario World ? Vous tombez dans la lave, ou chutez dans le vide. Les Sims ? Vous êtes bien souvent mort de malnutrition. Space Invaders ? Votre vaisseau vient d’exploser. En dehors des jeux de sport (et encore, certaines chutes dans Wave Race, Surf World Series, 1080° Snowboarding ou Tony Hawk Pro Skater 2 entraîneraient, dans la réalité, un coma sans nul doute irréversible), oui, la mort est partout, tout le temps, quand bien même elle ne serait pas un but mais une conséquence. Rappelons que dans jeu vidéo, il y a jeu, et que les autres jeux d’enfants, les gendarmes et les voleurs, les cow-boys et les Indiens, ou encore les petits soldats de plombs, reposent également sur cette finalité non dite.

Philippe Gentil, dans son ouvrage “L'expérience de la mort virtuelle : les jeux vidéo ou la fausse mort”, écrit ceci : “la magie du virtuel nous envoûte et nous permet d’accomplir ce que nous, vulgaires mortels, sommes incapables de réaliser : concevoir, donner vie et pouvoir, en maître absolu, la reprendre, sans que cela ne porte à aucune conséquence (...). La différence avec les jeux vidéo d'aujourd'hui réside dans le fait que l’imaginaire a été traduit bien souvent par l’image et que si l’on faisait mourir l’ennemi dans nos esprits, on n’assistait pratiquement jamais à la mort ou à l’agonie de ce dernier de façon visuelle ou sonore”. La mort donc, reçue ou donnée, comme fantasme sans conséquence, source d’adrénaline, de plaisir aussi, mais sans dégât. Un jeu donc, tout simplement.

Crédit : Kinetic Games

La mort n’est pas une fatalité

La mort est, dans les jeux comme dans la vie, toujours possible, présente, quand bien même nous n’y pensons pas nécessairement à chaque seconde. Dès lors, comment faire de cette étape obligée, ce poncif presque, une force, une innovation ? L’un des exemples de réussite les plus connus est la saga Dark Souls. Dans Dark Souls II, en mourant, le personnage se retrouve au dernier feu de camp auquel il s'est reposé, mais dans un état différent. Notre personnage se transforme en zombie, et son apparence se dégradera encore plus en accumulant les décès. Mais d’autres jeux, bien moins connus, ont eux aussi fait preuve d’audace.

ZombiU, également connu sous le nom de Zombi, est un jeu publié sur Wii U en 2012, un titre à la première personne bénéficiant d’un mécanisme de mort permanente… ou presque. Lorsqu'un personnage meurt dans Zombi, il devient lui-même un morts-vivant et le joueur prend donc le contrôle d'un nouveau personnage. Cependant, le personnage nouvellement zombifié peut être trouvé rôdant près de l'endroit où le joueur est passé de vie à trépas pour la première fois, et tout ce que le joueur avait sur lui lorsqu'il a été tué est maintenant dans l'inventaire du zombie. Le nouveau personnage que nous incarnons peut donc récupérer ses biens en tuant… son ancien moi. Malin, philosophique même. Dans Phasmophobia, des équipes de quatre joueurs maximum travaillent ensemble en tant qu'enquêteurs paranormaux. Le jeu prend en charge la VR tout en permettant aux utilisateurs de VR de faire équipe avec des amis non VR. Lorsqu'un membre d'une équipe meurt, il devient lui-même un esprit et se voit désormais capable de communiquer ou simplement de harceler les membres vivants de son équipe en interagissant avec des objets. Enfin, dans la merveilleuse création Minit, le joueur est forcé de mourir au bout de soixante secondes, au bout desquelles il doit repartir du précédent point de départ.

Crédit : Thunder Lotus Games

La mort comme création donc, la mort comme fatalité, la mort comme menace ou comme normalité. Puis, peut-être, le deuil. Il y a le titre indépendant Spiritfarer, un jeu dans lequel les joueurs aident un groupe de personnages du jeu à terminer des tâches qu'ils n'ont pas terminées avant leur mort. Au début de la pandémie de Covid 19, les joueurs de Final Fantasy Online ont organisé des services funéraires dans le jeu pour les joueurs récemment décédés. Pendant ce temps, dans Animal Crossing: New Horizons, les gens ont créé des monuments commémoratifs pour leurs proches. Le jeu vidéo peut tout.